La nature des friches
Audrey Muratet, Myr Muratet, Marie Pellaton et François Chiron
L'Îlot-S - CAUE de Haute-Savoie
Un espace urbain se mue en terrain vague ou friche urbaine dès que les humains en cessent l’exploitation (zones industrielles, jardins à l’abandon, ruines d’habitation, aires délaissées le long de voies de transports, routes, fleuves et canaux).
Les friches se métamorphosent inexorablement. Un processus écologique de colonisation spontanée par des communautés animales et végétales riches en espèces se met en place. Le gazon monte en graine, la prairie se couvre de ronciers, d’arbustes et de fourrés touffus à l’abri desquels les arbres croissent et se multiplient pour, à terme, devenir forêt.
Elles sont les espaces d’une expression libre de la nature. La diversité des plantes et des animaux ainsi que leurs interactions fécondes en font les refuges d’une nature exubérante qui ne se laisse ni gérer ni domestiquer. S’ils le sont pour la flore et la faune, ils le deviennent aussi pour les êtres humains qui s’y installent afin de vivre leurs existences à l’abri des regards ; d’autres en feront des décharges sauvages.
Cette exposition est le fruit d’un travail de recherche en écologie sur une centaine de friches urbaines des Hauts-de-Seine entrepris par l’écologue Audrey Muratet en 2001. Elle étend ses recherches sur l’ensemble de l’Île-de-France, puis le Nord et l’Est avec le photographe Myr Muratet et la graphiste Marie Pellaton. Ensemble ils réalisent une flore de près de 300 espèces communes des friches urbaines, la seule à ce jour sur ce milieu. Au fil des années, une communauté informelle se déploie autour du projet des friches (écologues, sociologues, artistes). C’est le cas de l’écologue François Chiron qui installe des caméras automatiques pour suivre la vie des animaux diurnes et nocturnes sur ces espaces. Cette étude toujours en cours a permis d’appréhender les interrelations écologiques, plastiques et politiques présentes dans ces espaces et construire avec le temps une vision singulière des friches urbaines.
Un regard sur les friches en Haute-Savoie
Sylvain Duffard
En parallèle de l’exposition « La nature des friches », le photographe Sylvain Duffard propose une déclinaison locale du sujet. Photographe de l’Observatoire des paysages haut-savoyards porté par le CAUE, il possède une connaissance très fine du territoire et des paysages du quotidien dont il suit les évolutions depuis plus de dix ans au travers de séries photographiques.
Son intervention porte sur une sélection de sites délaissés par les activités humaines dont certains ne sont pas spécifiques à la Haute-Savoie, comme une ancienne voie ferrée ou un site industriel en partie désaffecté. Le relief offre, quant à lui, une perception différente d’un coteau délaissé par l’agriculture où, sous la végétation, d’anciens murs de clôture donnent à comprendre son usage d’avant. La géographie marque aussi fortement le territoire haut-savoyard. On y retrouve d’anciens sites d’extractions de matériaux le long de l’Arve qui témoignent d’une histoire économique et industrielle. Une autre situation nous projette dans un futur qui fait l’actualité : une station de ski à l’arrêt dont les infrastructures ont été démantelées.
Ces lieux sont à la fois méconnus et peu attractifs. Espaces en attente, ils peuvent abriter une biodiversité insoupçonnée que l’œil du photographe nous aidera à appréhender au fil des saisons. Chacun des sites fait l’objet de séries photographiques qui se sont engagées dès le début de l’année 2024 et se poursuivront jusqu’à l’été. Ces nouveaux clichés viendront enrichir au fil du temps cette partie de l’exposition.
Hybrides par nature
« Représenter des espaces en friche, qu’il s’agisse d’interstices urbains ou de délaissés ruraux, consiste à nourrir l’histoire de lieux qui semblent n’appartenir à personne et être à la disposition de tous.
Mais si les sites que j’ai explorés en Haute-Savoie apparaissent effectivement désaffectés, ils sont bien souvent situés sur des parcelles privées ou relevant d’une autorité publique et, à ce titre, d’un accès réservé.
Hybrides par nature, ces espaces mi-naturels / mi-anthropisés n’en sont pas moins le théâtre d’une libre occupation animale et végétale, et offrent un refuge aux populations exclues.
A bien les observer, ces lieux témoignent d’un avant, tout comme ils laissent parfois entrevoir un devenir probable. Sauvages parce qu’ingrats, relégués car improductifs, ces fragments de territoire connaissent des dynamiques écologiques soutenues et dessinent, tel un archipel composé d’îlots épars et comme retranchés du monde, un paysage discontinu. »
Sylvain Duffard, février 2024
plus d'informations
Exposition du 27/03 au 21/09/2024
Exposition soumise à horaires
Du lundi au vendredi et le premier samedi du mois de 14h à 18h
L’îlot-S sera fermé du 3 au 18 août 2024
Entrée libre
Tout public
7 esplanade Paul Grimault, 74000 Annecy
Téléphone : +33 (0)4 50 88 21 12