Déconquête
Julien Berthier fait de la pile d’un pont de voie ferrée, dans un paysage en voie d’ensauvagement, un socle pour y poser un archétype de la sculpture publique occidentale : la statue équestre. Mais ici, le cheval n’a plus son cavalier, devenant une figure pleine d’ambivalence à même de convoquer mille récits. Est-il le vestige d’une statue détruite ? Le monument d’une époque passée, d’une ancienne centralité déplacée dans la périphérie ? La vision dystopique d’un avenir sans humanité ? Une interrogation sur l’état de guerre ou de paix de notre pays ? La sculpture interroge les codes classiques de la statuaire publique : grandeur, domination, commémoration. Sans cavalier, l’animal se libère symboliquement, il devient sujet et non plus monture, permettant dès lors au spectateur, face à cette silhouette solitaire et majestueuse, de fabriquer ses propres récits.
Nourri par une pratique de terrain initiée très tôt dans l’espace public – notamment à travers des performances spontanées –, Julien Berthier aime brouiller les pistes. Ses œuvres, souvent non signalées comme telles, créent des situations inattendues, des récits silencieux, des micro-fictions ouvertes à l’interprétation. Pour lui, la sculpture publique n’est pas seulement une œuvre installée dehors : un banc, un potelet, un geste éphémère peuvent relever de la sculpture, si tant est qu’ils questionnent leur propre place. Ce rapport non-institutionnel, presque clandestin à la création, reste central dans son travail.
Julien Berthier manie en outre l’humour avec sérieux. Il ne l’utilise pas tant comme effet que comme porte d’entrée émotionnelle vers des questions plus complexes que poseraient ses œuvres, qui oscillent ainsi entre accessibilité immédiate et profondeur critique, entre fiction populaire et discours savant, avec toujours cette volonté de s’adresser à tous.
Matériaux et dimensions
Composite, métal et patines, 3,6 x 1 x 4,5 m
Soutiens
Mentions
Remerciements à Artec 3D